A table !

Les Mexicains mangent un peu... mais tout le temps et à n'importe quelle heure. Si on voulait appliquer le rigide "trois repas par jour" à la française, on dirait qu'ils prennent deux petits-déjeuners, trois déjeuners et quatre dîners. Il est de coutume, vers 10-11h,  de manger des plats consistants : des oeufs brouillés accompagnés de chorizo (huevos con chorizo) ou de tortillas et de tomates (huevos rancheros). Tout au long de la journée, les Mexicains peuvent se laisser tenter par des "antojitos", l'équivalent des "tapas" espagnols, ou des délices sucrés.

En fait, dans les grands villes, la tentation est partout présente ! Il est possible de s'acheter à manger à n'importe quelle heure de la journée. Vendeur ambulant, petits stands, tortillerìa ou chaîne de fast food nord-américaine : les endroits ne manquent pas pour acheter à manger.

Si vous pensez connaître la cuisine mexicaine en ayant été quelque fois dans un Tex-Mex, je dois vous prévenir que vous passez à côté de toute la richesse et de la diversité de cette gastronomie. En fait, la cuisine "tex-mex" correspond à la tradition des états du nord du Mexique et du sud-ouest des Etats-Unis. Chaque région a ses spécialités et, pour ma part, je vais parler de ce que je connais : la gastronomie du centre entre Mexico et Veracruz.

Héritage des Pré-colombiens, la tortilla est l'élément de base. A ne pas confondre avec la "tortilla espagnole" qui est une omelette de pomme de terre, la tortilla mexicaine est une fine galette faite avec de la farine de maïs (plus rarement, il est possible d'en trouver à la farine de blé).Elle sert de fourchette et de pain. En ajoutant du fromage, on obtient une "quesadilla". En recouvrant une tortilla farcie de sauce pimentée, on a une "enchilada". Les célèbres "tacos" sont également préparés avec des tortillas, sauf dans les états du nord où il s'agit d'une galette plus dure. 

Deux plats m'ont particulièrement impressionné : le "chile en nogada" et le "mole poblano". Le premier est fait à partir d'un gros piment vert, le "chile poblano", qu'on remplit d'une farce de viandes et de fruits. Il est accompagné par une sauce au noix de pécan et des graines de grenade. Dans la bouche, toutes les saveurs donnent lieu à une véritable mélodie gustative où se marient avec harmonie le sucré et le salé. Même symphonie grandiose avec le second plat : le mole poblano. Des filets de poulet ou de dinde sont effilochés et mélangés à une sauce à base de chocolat et de toute sorte d'ingrédients : piments, ails, amandes, oignons... Ces deux plats sont très complexes et peuvent demander une bonne journée de préparation.

Les Mexicains ont quelques desserts à base d'amandes ou de confiture de lait qui méritent le détour.  La généreuse nature mexicaine offre aussi des fruits incroyables : des mangues à la chair jaune, des citrons verts, des noix de coco, des goyaves, des papayes, et toute sorte d'espèces inconnues sous nos contrées (nanche, tejocote...).

Difficile de parler de nourriture sans boire un coup ! Le Mexique est le plus gros consommateur au monde de soda. Outre les traditionnels Coca, Pepsi ou 7up, on trouve également du "Jamaica" (initialement une infusion d'hibiscus qui est devenue un soda gazeux, très sucré et au goût non-identifié) et des jus de fruits très sucrés. Il est malheureusement difficile de trouver un jus de fruits un brin "naturel", sans sucre ajouté.

Niveau alcool, la fameuse tequila est une institution mais, au Mexique, elle n'a rien à voir avec l'espèce d'alcool à brûler qui est vendu en France. Comme pour le whisky, la tequila peut être veillie en fût de chêne. On parle alors de "reposado" voir de "añejo" (si le liquide est resté au moins un an). Comme chez son homologue écossais qui peut être "pure" et "single malt", on fait la distinction entre les tequila qui contiennent 100% d'agave et les autres. Pour avoir goûté les deux, je peux vous dire qu'il n'y a pas photo !

Je me suis également prêté à la dégustation d'une autre bibine emblématique du Mexique : le mezcal (à ne pas confondre avec la mescaline, fabriqué à partir du peyotl, qui peut vous emmener bien plus loin que le pays des éléphants roses). Tequila et mezcal partagent de nombreux points communs : ils sont fabriqués à partir de l'agave et ils peuvent être blanc ou de couleur dorée (s'ils ont veilli en fût de chêne). Les modes de fabrication sont cependant différents et les deux breuvages ne sont pas originaires du même état : celui de Jalisco pour la tequila et le Oaxaca pour le mezcal. Autre différence, il n'est pas rare de trouver un ver au fond des bouteilles de mezcal. Rassurez-vous ce n'est pas l'hygiène de la fabrication qui laissait à désirer mais une tradition. On dit que le "gusanito", le ver, donne plus de goût au breuvage et transmet l'âme de cette plante sacrée.

En tout cas, je ne sais pas comment les Mexicains auraient pu rencontrer des éléphants roses sans l'agave puisque la plante est le principal ingrédient du troisième alcool composant ce tryptique éthylique : le pulque. Issu de la fermentation de sa sève, le pulque se consomme beaucoup moins qu'avant et il faut s'aventurer dans les campagnes pour en trouver. Vous aurez peu de chance d'en dénicher à la carte d'un bar car c'est un produit assez fragile et plutôt atypique. D'une couleur blanchâtre, le pulque a une légère odeur d'oeuf pourri et un goût douceâtre . Aujourd'hui, on le mélange souvent avec du jus de fruits : orange, ananas... En tout cas, des études scientifiques ont récemment révélé que cette boisson était excellente pour la santé (consommée avec modération, bien entendu !).

Pour finir, les Mexicains boivent également beaucoup de bières. Contrairement aux idées reçues, ils n'ont pas que des bières blondes et légères. Difficile, néanmoins, de passer à côté de la célèbre "Corona" qui est souvent consommée en "michelada", c'est-à-dire avec du citron vert et parfois des épices.

Je suis sûrement passé à côté de plats et de boissons qu'on trouve dans d'autres états mais je peux vous dire qu'il y a déjà de quoi se faire frémir les papilles avec ce que j'ai énuméré.